ZEROSECONDE.COM: novembre 2008 (par Martin Lessard)

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Impacts du numérique sur la communication, notre société, nos vies.

Médias français et leur usage du blogue

François Guillot vient tout juste de partager un excellent récapitulatif typologique de l'usage stratégique du blogue par les grands médias de l'Hexagone.

 Son billet "Les médias en ligne et leurs politiques de blogs" analyse quantitativement les 4 grandes politiques de blogue qu'il divise ainsi:

- les politiques “ouvertes” au public
- les politiques “semi-ouvertes”
- les politiques “fermées”
- les « non-politiques »

Par "politique ouverte", il entend ouverture au public qui peut démarrer un blogue sous la bannière de la marque (comme le fait le Nouvel Obs), et par "politique fermée", il désigne une logique de proposition d’information complémentaire à l'offre déjà existante (comme RTL).

Il recense une bonne partie des grands médias dans une analyse fine et quantitative qu'il vaut la peine de regarder.

Les journalistes utilisent les blogues
Le modèle dominant que François Guillot identifie est celui de la politique de blogues fermés, dominée par les journalistes. Ces médias ne proposent que des blogues de journalistes / rédaction / émission (et ce sont principalement les journalistes qui sont présents - parfois ce sont des "invités").

Le mélange avec le public n'est pas encore très répandu (proposition des 3 niveaux : journalistes, invités, internautes) et ce n'est pas très étonnant vue la mission (divine? ;-) qu'ils se sont donné d'informer leur public.

Sur ce point, peu osent s'aventurer sur ce territoire tabou: s'ils estiment leur auditoire, pourquoi n'estiment-ils pas le contenu de leur auditoire? Vaste débat.

Accéder à l'auditoire par d'autres façons
Les médias jouent clairement dans une logique d’extension de leur audience via les blogues. Ce qui fait dire à François Guillot qu'un blogue ce n’est pas un outil, c’est une stratégie. Mais une stratégie exigeante.

Un autre constat qu'il lance aussi, et je crois que ça va interpeler Jean Véronis chargé du lab de Wikio, que le classement Wikio mensuel, qui devrait sortir bientôt, passe sous silence une certaine blogosphère "influente", celle des journalistes-blogueurs, qui possèdent une vaste notoriété, mais qui ne jouent pas nécessairement la carte des hyperliens (peu lient, et quand ils le font ce sont vers l'intérieur de leur site).

Écologie de l'information
Je crois que le mérite du patient travail de François réside aussi dans l'arrimage qu'il fait des médias à la blogosphère et offre une brique de plus pour établir la cohérence de cette nouvelle écologie de l'information qui s'est mise en place...

Etre web entrepreneur en Europe

Tariq Krim (NetVibes) nous partage ce qu'il a appris en étant un entrepreneur web 2.0 en Europe au cours des 3 dernières années. Il voit qu'internet est un marché déjà saturé et que l'attention média se fait actuellement doubler par "l'attention sociale" (et se fait gruger ses revenus). (via Elsua)

Lors du dernier web 2.0 expo à Berlin Tarik a donné une courte intervention de 10 minutes très intéressante. Voici la prestation complète sur Youtube, 9 minutes, en anglais



Voici quelques conseils qu'il donne aux startups que je juge pertinents:

-Internet est un marché saturé: faites-vous à l'idée.
-Les techniques relatives aux vieux médias (SEO, marketing, distribution, etc.), laissez-les aux vieux médias.
-Se baser sur la publicité? Mieux vaut s'en passer, sinon concentrez-vous sur des niches (connaître très bien son audience en moment de mauvaise passe économique devient une valeur recherchée)
-Médias sociaux: un très grand avantage pour les petites compagnies. Aussi, le premier geste est de répondre aux besoins des consommateurs friands des médias sociaux (participation).

Obama et les reseaux sociaux

Opinion Watch nous offre un bon survol de la stratégie internet d'Obama, nouveau président élu aux États-Unis, et, en particulier, l'apport de Chris Hughes, un des fondateurs de Facebook. (Via SocialMediaToday)

Barack ObamaIl souligne le talent stratégique de Chris Hughes qui s'est appuyé sur son expérience de Facebook et a suivi deux principes fondamentaux : “Keep it real”, “Keep it local”.

C’est donc la création du lien social de proximité qui était la pierre angulaire du dispositif communautaire sur MyBarackObama.com, dit Opinion Watch.

"La grande force de ce site a été de permettre la décentralisation de la mobilisation en incitant militants et sympathisants à prendre des responsabilités locales grâce à des outils intuitifs et conviviaux"

Opinion Watch liste les fonctionnalités dominantes:

-un profil personnalisable,
-un service de messagerie et de blogage,
-un module de don en ligne,
-“Find a local group” pour organiser des évènements de quartier [Walking campaigns, Calling campaigns essentiellement],
-“Fundraising” pour se fixer un objectif de don à atteindre et envoyer des courriels à son réseau;
-le tout récapitulé sur un Dashboard.

Côté technique:

-une architecture proche de Facebook,
-NGP Software pour le système de don en ligne
-BlueStateDigital pour les fonctionnalités sociales.

Il conclue en disant que le dispositif aura permis à la fois une récolte massive de petits dons et une participation importante des jeunes et les minorités (qui sont habituellement absent dans les bureaux de vote). 95% des dons reçus par Obama sont inférieurs à 50 dollars (13% du côté du candidat perdant McCain)

Autres articles sur le sujet
Obama, le premier président élu grâce au web (Michel Colomès, Le Point)
Internet key to Obama victories (Steve Schifferes, BBC News)
Obama and the internet generation (vidéo de 4 min de la BBC)
La récolte de fonds record d'Obama met à mal le système de financement public des campagnes américaines (Le Nouvel Obs)

Support physique : fin annoncée?

Avec le tout numérique et une conscience généralisée d'être plus écologique, ce pourrait-il que nous assistions à la fin du support physique du contenu en tout genre (musique, nouvelles, etc.)?

Quelques liens sur le sujet

The End of Tangible Media is Clearly in Sight (Steve Rubel - Micropersuasion)
La fin de supports matériels (CD, jeux, livres, journauxc) serait en vue selon lui, aussitôt que 2014 (aucune idée pourquoi cette date). Aux États-Unis il voit certains signes de ce déclin: Microsoft vient d'ouvrir une boutique en ligne de téléchargement de logiciels; Apple vend des jeux sur iPhone et iPod; Oprah promeut le Kindle; des livrels apparaissent pour le iPhone; etc.
Il pose la question qui tue: quand avez-vous acheté pour a dernière fois un CD, ou lu un journal, une revue?

Do newspapers have 6 more months? (Steve Outing - journaliste)
Il constate qu'après la rencontre entre 50 agences de presse américaine cette semaine sur la crise actuelle, que la conclusion soit de se retrouver dans 6 mois pour continuer à en parler constitue un acte de déni mortel: constater qu'il y a un problème, aujourd'hui, c'est faire le jeu de l'autruche à l'aube d'une implosion imminente.

Google Signs a Deal to e-Publish Out-of-Print Books (NYTimes.com)
L'industrie du livre semble prendre note de l'effondrement de l'industrie de la musique qui a laissé passée sa chance. De multiples initiatives commencent à voir le jour et on se demande où cela va finir.

[ajout 20:22] Le défi numérique du Québec (Geneviève Lefebvre - Journal de Montréal)
"Ce n’est pas que pour les beaux yeux de l’écologie que la notion de développement durable s’impose en édition. C’est maintenant une nécessité économique." [fin ajout]

Hum, le fond de l'air effraie
Il est toujours difficile de faire des pronostiques, mais pour ceux qui sont sur le web depuis longtemps et qui savent comment l'ordinateur permet un accès 1000 fois plus aisé au contenu, la venue d'un ultime outil, maniable, flexible, pratique et portable qui permettrait de retrouver le plaisir de lire à l'écran sonnera le glas pour le monde de l'imprimé. Pour le monde la musique c'est déjà terminé. L'audio-visuel suivra.

Election 2008: le role d'internet

Jean-François Lisée, dans un article dans Libération et dans Le devoir (articles similaires, mais pas tout à fait identiques) nous offre un constat du rôle d'internet dans la campagne américaine qui a mené à l'élection du 44e président des États-Unis.

"Pas moins de 40 % des adultes affirment qu'ils se branchent pour obtenir de l'information sur la campagne électorale."

Il se base sur une étude du Pew Research Center qui j'ai débusqué ensuite et dont il cite quelques bonnes statistiques:

"Selon le Pew Center, 22 % des adultes (et 37 % des jeunes) s'amusent à regarder les publicités de campagne -- ce que je fais aussi. Mais 20 % des adultes (35 % des jeunes) regardent les discours des candidats, et 19 % (35 % des jeunes) des entrevues avec les candidats. On constate même que 16 % des adultes lisent en ligne le programme des partis."

C'est vrai que l'on peut se sentir désolé de voir la lecture des journaux décliner, particulièrement chez les jeunes (et ceci touche aussi l'audience des téléjournaux des grands réseaux), comme le fait remarquer Jean-François Lisée, mais il voit plutôt un transfert:

"Mais les sources d'information de qualité reviennent par la fenêtre Internet. Pas moins de 86 % des internautes vont dans les sites des grands médias"

Il cite ensuite les sites les plus fréquentés pour l'information sur la campagne
  1. Wikipedia.
  2. Washington Post
  3. CNN en troisième.
puis il souligne l'usage proprement politique d'internet

  • 9% les gens l'utilisent pour s'inscrire sur les listes d'envoi
  • 6% pour échanger de l'information
  • 2% pour se porter volontaires pour une activité à l'intérieur de la campagne
Il ajoute "On peut donc conclure qu'Internet réintroduit dans la culture politique une dose d'information considérable."

J'ai trouvé d'autres statistiques dans l'étude qui appuient ses dires:

  • 11% on participer aà la "conversation" politique et postant ou faisant suivre un commentaire de quelqu'un d'autre à propos des élections..
  • 5% ont posté leur propre commentaire ou analyse. (12% des 18-29 qui ont une présence en ligne)
  • 6% ont contribué monétairement en ligne
Rôle reconnu
Ces statistiques ont sensiblement augmenté depuis la course de 2004. Ce qui me ferait plutôt dire que "qu'Internet continue d'introduire encore davantage dans la culture politique une dose d'information considérable".

Car peut-être que le constat est moins le nouveau rôle d'internet ou le degré de son apport, mais la reconnaissance de son apport dans la course par des gens comme Jean-François Lisée et permet de clore définitivement le débat stérile du journalisme "trad" versus "citoyen" et voir Internet comme le lieu d'une longue traîne de "reportage de la réalité" et qui génère de nouvelles réflexions en perspective. Et de nouvelles redéfinitions.

Surabondance, chaos et réflexions

Voici quelques liens pour réfléchir sur le simple, le compliqué, le complexe et le chaos. Si notre société nous a habitués à "simplifier" toute situation "complexe", il semble que la maîtrise du chaos demande des qualités qui ne sont pas encore reconnues, ni systématisées.

Voici des pistes de réflexion pour penser l'accès à l'information infini et notre entrée dans l'ère des "organisations sans organisation".

My Brain Hurts
"Young & Rubican´s presentation on how technology is leaving the user behind". (via HyperConception)

Simple compliqué, complexe, chaotique
Jean-Sébastien Bouchard donne une introduction aux 4 termes dans le but d'un futur document qui aborderait les types de leadership et leur pertinence face à des situations complexes. Complète très bien les diapos de Y&R juste avant.

Du simple au complexe. A propos d'un diaporama chez JS Bouchard
Réflexions de jadlat, un Ancien du DESS CVIR, sur le même thème que le lien précédent.

Cynefin
"name of a decision making framework which has been used in knowledge management as well as other applications including conflict resolution". Point de départ du document de JS Bouchard

Complexity, Collaboration and Unconferencing
"This is a presentation about learning to make the transition to a more more sustainable lifestyle, business, school community or whatever. In advance, apologies for the 'clutter' on a few of the slides"

The Collusion of Mediocrity
"The Collusion of Mediocrity goes some way towards explaining why, all too often, unconferences and big collaborative gatherings fail to realise their full potential."